« Le cul de ma femme mariée », roman, Quorum, 1998...
El culo de mi mujer casada - De kont van mijn getrouwde vrouw - Evunda ya mwasi na ngai ya libala
Extraits
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- Vous n’avez jamais fait l’amour ? Tu ne l’as jamais invitée à venir boire un verre dans ta chambre, écouter les ultratops de RTL-TVI (le dernier CD des Fugees) (les Spice Girls) ? Vous ne vous êtes jamais embrassés ? Vous allez vivre chacun de votre côté ? Vous vous verrez seulement 3 fois par an (ou même 4), pendant les vacances ?
If you wannabe my lover !
André Faucheur est très énervé, très perturbé.
André Faucheur (qui me hait bien) (et dont je suis le trou du cul !)[1] a passé le week-end à tondre la pelouse du jardin de son père. Tout le monde est opposé à son mariage. Sa grande soeur. La femme de son père. Ses collègues de bureau. Les voisins de sa belle-famille. Personne ne le comprend.
Le col de sa chemise est maculé de sang. Il ne faut pas confondre les rasoirs à lames et les machines à couper le gazon ?
Killing me softly !
Le général Eluki, chef des forces armées de Mobutu, a accusé le Rwanda d’avoir agressé le pays avec la complicité du Burundi et du Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés:
- Il existe une situation de guerre dans la province du Sud-Kivu (a-t-il déclaré à Goma, après une visite d’inspection à l’Est du Congo-Zaïre).
Un rapport de l’ONU met en garde contre une explosion de violence au Kivu. Ce rapport attribue au régime de Mobutu une part importante de responsabilité dans les événements des derniers mois. Il accuse l’Etat zaïrois de participer aux massacres et de les encourager.
- Et Laurent-Désiré Kabila, quelqu’un a-t-il de ses nouvelles ?[2]
Ma femme est partie. Qui m’apportera la contradiction ? Tes réparties me manquent, nos guérillas, nos déprimes, nos mesquineries, nos méchancetés, nos enchantements, nos sortilèges, nos divorces, nos retrouvailles, nos attendrissements, nos jubilations, nos subversions, nos déraisons. Tu me manques.
Trafiquant d’espèces en voie de disparition, consommateur de produits exotiques, sacristain bénévole à la cathédrale, je lui téléphone en Espagne, à L’Eliana. Je lui demande comment va Agnès (elle va mieux !) et les enfants (Sarah et David passent la journée à Santa Valencia, chez Abuelita !). Je lui donne des nouvelles du village[3]. Je lui dis aussi que son cul prend de l’ampleur (elle n’apprécie pas:
- Olukaka makambo...).
(Tu doutes de mes capacités ? de ma volonté d’aboutir ?) (un bouquin, ça ne s’écrit pas comme ça?) (avec des brindilles de bois mort, des mauvaises herbes poussant dans la gueule des gargouilles, des détritus et des abats ramassés dans les poubelles) (ou reçus sur la gueule) (des mégots de cigarettes, des petits bouts de phrases en vrac ?) (et trop de points d’interrogation ?) (d’exclamation!) (de parenthèses) (dans tous les sens)[4] (et de notes en bas de page!) (ce ne serait plus digeste ?).
Les Veuves (et quelques Garçons) cherchent à contrarier mon menu unique de spaghetti à la bolognaise pour tout le monde pendant quinze jours: Marichelo (un brouet asturien), Antoinette (un ragoût de mouton, du pondu et des bananes plantain frites à la poêle), Anselme (du poulet au four avec des patates à l’eau), Hortence (des boulettes de viande hachée), Eric (du lard grillé !). Et mercredi, nous sommes invités chez Lieve (et Claude Haïm) (à confirmer).
Mais personne ne songe à me préparer un liboke de ngulu ou du poulet aux mbika! ni même une salade de gui gluant (guérissant les ulcères, l’épilepsie, la coqueluche et l’hypertension) ou ces affaires intérieures de chèvres (sacrifiées et découpées par le boucher Léon, chaussée de Wavre, à Etterbeek ?) que Sinatu me promet depuis toujours ? [5]
Une visite de Marianne Berenhaut (isc), qui m’en a toujours voulu d’avoir brûlé mes manuscrits. Comme on brûle ses vaisseaux. Je la rassure, je lui fais mes confidences:
- Tu sais, je m’y remets, je suis en train d’écrire.
- ...
- Un roman, sur ma femme mariée (depuis 15 ans) (et plus).
Je lui explique:
- Voilà, ça s’est passé depuis le 4 septembre, dans la rue, à la maison et au bureau (au téléphone et à la télévision) (dans le Monde et dans Le Soir) (de l’exposition universelle de Bruxelles-Brussel aux Jeux olympiques de Beijing) (de 1958 à 2008) (et ailleurs) (ou presque), hier et demain.
Elle aussi me fait ses confidences (pourtant je viens de la prévenir) (tout ce qui franchit le seuil de cette pièce prend le risque d’entrer dans mon bouquin) (les gens vont fuir ?) (faudra-t-il refuser du monde?):
- En fait j’en ai marre de vivre seule. Mais je n’ai pas envie de vivre avec quelqu’un ! (s’abandonne-t-elle).
C’est tout mignon et quelque part ça me grattouille ! Je vais à la cuisine, sous un prétexte quelconque, je prends note (ou bien je fais semblant d’aller pisser).
Elle se reprend aussitôt. Elle me dit qu’on trouve encore du podommeke dans certaines boulangeries de Bruxelles-Brussel:
- Tu n’as qu’à mieux chercher ! (m’intime-t-elle).
D’abord, je me mets des gouttes dans les narines (pour chasser le cancrelat qui rôde) (qui creuse et me gratte le fond de la gorge) (il y trouve chaleur, humidité, nourriture) (il y dépose ses champignons, ses sécrétions, ses excréments) (plusieurs soirs par semaine, depuis quelques années, vers deux heures du matin) (il entre par la bouche) (laissée grande ouverte).
Ensuite, je prends un demi-témesta (pour éviter de succomber à la tentation). Mais ça ne suffit plus. J’ai peur de m’endormir, de mourir étouffé. Et je déteste ça[6].
Ce soir, la mort n’est jamais très loin. Il est minuit passé [7]. Les enfants dorment. Des libellules tournoient dans ma tête. Des grillons grésillent. Mourir est une affaire strictement personnelle.
Demain soir, je doublerai la dose[8].
[1] Trou du cul ! salopard ! faux jeton ! manche à balle ! (et membre de la garde prétorienne) (chargée de la sécurité rapprochée) (du Conseiller général ) (faisant fonction !), me crache-t-on dans la gueule et m'assène-t-on sur le menton alors que j'aurais préféré que l'on me susurre à l'oreille, avec tendresse et discrétion (mais étais-je en position de faire prévaloir mes choix ?), les invectives énumérées ci-après: pauv’con, has been, burn out, branleur-au-regard-fuyant, pollueur nocturne, éjaculateur précoce, Lucky Luke du devoir conjugal, vieux mollard, pneu crevé, gamin merdeux, faux-cul, rabat-joie, faiseur d’embrouilles, barjot, taré, maniaco-dépressif, psychopathe atrabilaire, hypocondriaque, scatophile, pétomane, communiste et pervers !
[2] Il faudrait demander à Germain ou à Polycarpe ?
[3] Je lui dis que Djuna s’est fait de nouveaux copains (Bachir, Hakim et Mohammed) (et Stéphane ?) (Stéphane, ça tient toujours !), que Lianja s’ennuie de sa maman (sur qui se faire les dents ?) (et Alexis ?) (Alexis, ça tient toujours!), qu’Eric n’aime plus les spiringues (oui, mais le lard ça passe encore), qu’Anselme va être opéré lundi prochain (rien de grave ! une hernie).
[4] Comme les antennes TV de Denise (la Mère-chef !) et de ma grande fille Hortence (lorsque les tresses étaient à la mode).
[5] Césarine a des problèmes d'amour et d'argent. Trop d'amour et pas assez d'argent. A part ça, tout va bien.
[6] J’ouvre grand la fenêtre, j’avale ma respiration, je la recrache, je l’engloutis. Je me réveille en sursaut, je casse la gueule aux murs et aux portes de toute la maison, je me racle le fond de la gorge, je bêle, je brais, je hennis, je barris, je baréte. Je feule et je vagis. J’éructe, j’expectore, je rue dans tous les brancards. Le coup de sabot du chameau, la rate qui explose, le foie qui éclate, le sang dans les urines, les poumons recrachés ! Etendu sur le dos, pédalant vers le vide.
[7] C’est toujours la nuit que je meurs, inopinément. Entre minuit et 3h du matin (ni fleurs, ni couronnes, des dons à la Fondation Alzheimer sont acceptés) (n°001-2552535-56). Je meurs intoxiqué à l’oxyde de carbone. Je meurs assassiné dans les dunes de Coq-sur-Mer (le suspect était l’amant de l’épouse de la victime) (ils avaient mangé ensemble le soir du crime) (de la soupe de canard au riz). Je meurs par absorption de substances toxiques. Je meurs des suites de l’enlèvement d’un polype à la vessie. Je meurs des suites d’un accident domestique (j’avale un tube de somnifères trouvé dans la chambre de mes parents). Je meurs d’une gangrène non soignée. Je meurs brûlé vif dans ma robe de chambre (j’avais voulu me réchauffer du café, à minuit 30 !). Je meurs dans ma cellule (terrassé par une attaque foudroyante de tuberculose, disent-ils), dix jours avant ma libération.
Les suicides, ça se passe plus tôt, pendant la journée. Le dimanche vers 11h10 (après la grand-messe à 15.000 balles) (belges), ou le lundi, de 8h à 19h (avant le JT de RTL-TVI) (ou de VTM).
A chaque décès, on couvre les miroirs (et l’aquarium). On m’enveloppe de feuilles de bananier, on m’immerge et on me fait rouir.
Les oiseaux ne se lèvent plus à mon approche (ils continuent de s’étriper joyeusement, de dire du mal du directeur). On ne m’adresse plus de demande en mariage (en deux exemplaires, avec mise en demeure et menace de recours aux huissiers).
Ensuite, on désinfecte la chambre (qui restera inoccupée pendant 48h) (le temps d’habituer le personnel) (le chat noir, le lion jaune et le coq rouge).
C’est toujours moi qui meurs le premier, et ça m’énerve (après la mort de son mari, la veuve Rubens retournera vivre à Antwerpen avec ses trois enfants) (elle pourra sortir en boîte autant qu’elle voudra, avec qui elle voudra) (croquer des arachides et des noix de cola) (se rouler un joint, s’envoyer en l’air, se péter les lèvres et s’éclater la gueule, cracher ses poumons dans le lavabo) (rentrer à l’heure qui lui plaira) (se consacrer à des oeuvres de charité et à la fondation qui porte mon nom).
Et quand je meurs le premier, je vous donne l'occasion de vous attendrir sur vous-mêmes, ah!
[8] Nadine passe par la maison et me rassure. Rien n’est mortel, tout se guérit, du moment que ça porte un nom. Elle me dit comment ça s’appelle, qui je dois consulter, ce qu’on va me prescrire, comment je dois me coucher. Waow! C’est gai d’avoir une fille qui fait des études, non ?