« Le cul de ma femme mariée », roman, Quorum, 1998...
El culo de mi mujer casada - De kont van mijn getrouwde vrouw - Evunda ya mwasi na ngai ya libala
Extraits
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Odeur âcre de la mort. Malgré son âge avancé, le Pape est en train de se faire sérieusement distancer par Mobutu.
Je voulais t’écrire une lettre comme je te colle un enfant, pour laisser une trace, un souvenir[1].
- Oublie-moi !
J’ai décidé de t’écrire, de prendre mon vélo, de grimper le Tourmalet sous la canicule. Sur un coup de tête. Le 4 septembre. Seuls les premiers kilomètres sont faciles à pédaler. Aujourd’hui, c’est la grosse déprime. La vie est une maladie mortelle ? Et sexuellement transmissible. J’ai le sarcasme facile mais triste ? J’ai envie de pleurer sous la douche ? Ou assis dans les chiottes (ou debout sous un porche ?) (dans un film populiste et faubourien) (à petit budget, en beige et gris) (dans une salle de banlieue qui sent la pisse de chat et la confiture de cancrelat) (écrasé) (ou gazé au Baygon par un vicaire projectionniste) (et boutonneux) (gloup!) ?
Le pli fessier, la paume des mains, le creux des orteils et la face interne des cuisses sont rongés par les mycoses. Les gencives s’infectent. Les dents jaunissent et se déchaussent. Les seins, les lèvres, les verges et les biceps (gonflés à l’hélium, à la graisse ou à la silicone) (à la bave de crapaud ou à l’urine de chèvre) (rembourrés à l’amiante ou à la paille de verre) se défont, glissent, s’étalent et coulent. La morve pisse du nez de façon chronique. Les acariens s’installent dans les endroits chauds et humides (dévorent les débris alimentaires et humains) (grignotent, copulent, dégurgitent). Les verrues s’installent et prolifèrent. Et les points noirs aussi. Les lobes des oreilles se distendent (pendouillent, lamentablement). Les fesses commencent à tomber, les épaules et les couilles, la paupière supérieure gauche, les cheveux, les affaires intérieures. Le ventre est mou, flasque et bedonnant.
Je pourrais toujours m’installer chez JPJ, mais pas avant le printemps prochain. Son grenier n’est pas chauffé[2].
Certains soirs, certains matins, un diable me tourmente. Sordide et dénué de tout talent. Et pourquoi nous sommes-nous disputés ? pour un JT, comme elle le prétend, qu’elle m’aurait empêché d’écouter ? pour des propos tenus à table, devant des gens, à Boulogne ? parce que 100 fois sur le métier on remet son ménage ? pour un sommier qui lui serait tombé sur la tête à Monte Horquera?
Pour un coup de boule qu’elle aurait reçu dans la gueule à Bagnolet (yeux violets, crâne entrouvert, lèvres éclatées) (torsion du nez ?) (auquel elle aurait répliqué par un sacré coup de genou dans l'entrejambe) en défendant une Renault 19, immatriculée en Belgique, contre une “bande de jeunes chacals frontistes” (faisant valoir leur préférence nationale ?) (ce n’est pas tout à fait cela, mais ce serait vraiment trop difficile à expliquer ?), pour une partie de jambes-en-l’air qui aurait dégénéré, un différend de couple exacerbé par une consommation immodérée de boissons alcoolisées ?
Plus je gueule et plus j’ai raison !
Le gouvernement aussi durcit son attitude.
Elle me dit (elle me fout à la porte, elle me vire, elle m’expulse illico[3]) (elle interrompt sa grossesse et décide de rompre aussitôt) (elle me donne mon C4 et me licencie sur-le-champ[4]) (elle me notifie un ordre de quitter le territoire) (elle me nie !):
- Oublie-moi ! Barre-toi !
Je dois mon salut à une fuite immédiate et rapide. Mais pourquoi est-ce toujours à moi de déguerpir quand on se dispute ? Pourquoi me chasse-t-on quand on a tort (ou même raison) ? Pourquoi me somme-t-on d’abandonner le terrain (la couette d'amiante et la télévision câblée) ? Pour aller où ?
Et si je rate ma femme, c’est aussi mon roman que je rate.
- Va te faire foutre (branleur, has been, burn out, vieux mollard, gamin merdeux, faux-cul, faiseur d’embrouilles, éjaculateur précoce, Lucky Luke du devoir conjugal) !
Un tampax dans un tasse de thé !
Il va falloir que je m’organise ? Trouver un appartement, une pièce avec un WC-douche (pas trop cher, pas trop loin du Résidence Palace), trouver de l’argent (une couette et une télévision) (et un Delhaize), du savon de Marseille, un réchaud à gaz, une lampe à pétrole, un réveille-matin, du papier-cul Derby[5] ?
Qui suis-je ? Et pour qui me prend-on finalement ? Pour un nouveau-né déposé dans un sac de congélation à l’entrée du presbytère de Kinkempois, de Waha ou de Couture-Saint-Germain, pour le concierge d’une décharge d’immondices désaffectée ? pour un amant de bel canto ? pour le président-fondateur d’une PME de gardiennage ?
Pour un videur de boîte de nuit ? un vigile de concert de rock ? un bookmaker indépendant ou le patron d’une société de course ? un maréchal d’opérette chargé de régler la circulation des piétons à l’entrée de l’hôtel Métropole ? le comptable d’une entreprise de nettoyage ? un héros de faits divers (4 à 9 lignes dans Le Monde[6])? Et qui serais-je d’autre encore ?
Une queue de rat dans une salade !
Des tâches de sperme sur la bavette d’un premier communiant !
Je serai enlevé en pleine rue. Selon l’amie qui m’accompagnera (l’épouse adultère d’un héros mort du sida, du diabète ou d’une cirrhose du foie pour la patrie reconnaissante), la façon dont les ravisseurs me fouilleront et dont ils tiendront leurs pistolets montrera qu’ils appartiennent à la police ou à l’armée, qu'ils sont de type européen et de confession chrétienne.
Fils d’un père ivrogne et silicosé (qui me battra et abusera de mon unique aïeule, de mes 3 tantes, de mes 9 soeurs et de mes 27 filles) et d’une mère tuberculeuse et dépressive (qui se suicidera une semaine après le meurtre de son mari), je me droguerai à la colle, au crack et à l’ecstasy (30 pilules cachées dans mon caleçon) (plus un flacon de produit euphorisant). Je volerai pour la première fois à l’âge de 8 ans (un képi dans un bureau de poste, quelques timbres, un cachet sec, des formulaires). Et je passerai ma jeunesse à errer de foyer en foyer (13 institutions en 10 ans).
Successivement palefrenier, taulard, employé dans une brasserie, porteur de cercueils dans une société de pompes funèbres, directeur commercial d’une usine de traitement et de conservation de poissons, accrocheur de wagons dans une mine de chocolat, intermittent du spectacle, laveur de cadavres, trafiquant d’espèces en voie de disparition, consommateur de produits exotiques, sacristain bénévole à la cathédrale (chargé de la formation des enfants de choeur), surveillant d’école, indicateur de la police économique du Liechtenstein, gérant de vidéoclub, moniteur de kayak, éducateur social, détective privé, vendeur dans une entreprise d’alarme-incendie en difficulté, pasteur protestant dissident, je serai blessé d’une balle dans la tête tirée par un policier jaloux (circulant dans la 4x4 climatisée d’une organisation humanitaire) (au Zaïre de Mobutu) (dans la province du Sud-Kivu, entre Kamanyola et Uvira) ?
Je suis vraiment très déprimé (j’aurais aimé que tu me dises: déboutonne-moi ! feuque-moi !). Trouble de l’érection ? angoisse de la performance ? problème circulatoire, urinaire, affectif, professionnel?
- Aujourd’hui, tu ne m’aimes plus ?
- Aujourd’hui, je n’aime personne plus que toi (mais je ne suis pas prêt à m’injecter un traitement dans la verge à un moment crucial!).
Je suis déjà en route et je ne sais où aller. Ça commence à peine et ça me fait déjà chier ? Ça prend forme et je ne sais pas quelle forme...
Un noeud se serre dans ma gorge. Un slip en latex m’opprime les sentiments (et me retient d’exploser). J’épluche les carottes et les coupe en dés. Je me frotte les couilles avec des gousses d’ail. Et les verrues avec de l’oignon frais (soir et matin) (pendant 15 jours). Je monde les tomates et les épépine (je fais fondre le chocolat au bain-marie), mais ça ne me calme pas:
- Et si je rate mon roman, c’est aussi ma femme (mariée) que je rate?
- ...
- On fait la paix ?
- Mais je n’étais pas fâchée !
(Et de mauvaise foi par surcroît, la mégère).
On s’embrasse encore. Par chagrin, accoutumance, désoeuvrement.
Sur le front ou sur la joue.
Des machines à laver trépigneront, des robots ménagers aiguiseront leurs longs couteaux. Des aspirateurs dégorgeront. Des ventilateurs attendront le signal convenu et se lanceront à l’assaut.
Brûlures d’estomac et remontées d’acide, je serai convoyeur de fonds et gardien de zoo. Douleurs abdominales et sanitaires de fortune, j’aurai toujours rêvé d’entrer dans la police (avec un talkie-walkie au ceinturon, une montre presque Rolex au poignet) (pour ne plus devoir donner ma carte d’identité) (à personne) (à toute réquisition) ?
Oedèmes et vomissements, je demanderai à la population d’être vigilante, je la mettrai en garde contre les clics bizarres, les yeux verts dans un visage rieur, les chats errants aux paupières violettes, les valises abandonnées à l’arrière d’un bus 54 (entre l’arrêt Maelbeek et la place Fernand Cocq). Roulements de canon ! Clôture du ban !
Elle sera le diable. Ou ma sorcière assyrienne. Je la surprendrai dans son sommeil. Me trompant dans ses rêves. Fils d’un père ivrogne et d’une mère tuberculeuse, je lui botterai le cul avec les bottines que je portais lorsque je lui ai demandé de m’épouser (de Cali à Florianopolis) (de Quito à Belem) (de Corumba à Puerto Suarez) (avec Djuna dans le ventre).
Je tenterai de l’empoisonner avec des éclairs au chocolat bourrés de tranquilisants. Je lui frapperai la tête avec une casserole en fonte. Je l’étoufferai avec une aubergine. Je l’étranglerai avec la ceinture de sa robe de chambre, avec la laisse du chien. Je traînerai son corps dans les buissons du square Hendrik Conscience (ou la briserai-je, l'émietterai-je et la distribuerai-je aux pigeons de madame Alice ?) (ou le pendrai-je aux branches de 3 arbres, square Gutenberg, en Tchétchénie ?).
On la retrouvera, quelques jours après, dans une cave à champignons, étendue sur le sol (le corps orienté vers la basilique Saint-Pierre au Vatican), la tête baignant dans une mare de vin, pieds et poings liés avec du papier tue-mouches, nue. On vantera son effacement, ses vertus domestiques, sa piété exemplaire.
André Faucheur prend congé à partir de mercredi. Pour le reste de la semaine. Il part en Espagne, rejoindre son amie. Virgin Express, 2 à 3 heures de vol, atterrissage à Barcelona. 6.300 francs (belges), aller-retour.
- ...
- Oui, mais pas de repas à bord ! On sera serrés comme des sardines ! Et puis les places ne seront pas numérotées !
Il a pu faire annuler les billets de son père et de sa belle-mère[7].
Palefrenier, taulard, employé dans une brasserie, je me suis disputé (hier) (et surtout ce matin !) avec ma femme mariée. Mon travail me fait chier (au delà de toute espérance). J’ai (très) mal à la tête. Je suis (très) fatigué. Je suis (très) déprimé. Je suis gravement blessé au ventre par un tir d’arbalète.
- Oublie-moi !
(Bombardé de détritus lancés par une foule en colère, je défèque et je vomis sur le ventre de la femme enceinte) (je lui crache mes poumons dans la gueule!)
Et je devrais t’écrire ? A qui ?
[1] Un clin d’oeil de verre, un sourire frit à la poêle, un papillon ballotté au gré du vent d’automne (portant les couleurs du Standard de Liège). N'importe quoi !
[2] Ou bien chez Hans (et Martha) en Tchétchénie, au rez-de-chaussée (dans le palais de Sinatu) (déménagée !) ? ou bien chez Lieve (et Claude Haïm), rue Van Aa, au-dessus de l’appartement d’Hortence (et Olivier) (à moins que Vincent X ne l’occupe entretemps) ou bien chez Filip De Boeck (à nouveau Veuf, il doit aimer ça, la liberté) (la retrouver et puis la perdre encore, très vite) (à Meise ou à Grimbergen ?). Chez Jamal et Tula, ce ne sera certainement pas possible avant longtemps, leur maison est toujours en chantier, non ? (depuis déjà 5 ans).
[3] On saisit tous mes biens meubles et mes effets divers ?
On me fait le coup de la mémé qui abandonne son caniche sur un parking de supermarché (ou dans sa salle de bains) parce qu'elle a décidé d'enfin vivre sa vie ?
[4] On considère que je ne réponds plus entièrement à toutes les exigences du poste. On se voit dans l’obligation de mettre fin à mon contrat. On me délivre un certificat de chômage (de façon à ce que je puisse me mettre en règle avec l’Office National de l’Emploi), sans hésiter, sans même se poser quelques questions pertinentes: qui va garder les enfants, les perruches (bleues) et le canari (gris) ? qui va rembourser le prêt hypothécaire ? les 107.000 francs de la Banque Bruxelles-Lambert (belges) ? les 160.000 francs de Nicole (belges) ? Qui prendra en charge le découvert de nos comptes courants ? et comment va-t-on se partager les 350.000 balles (belges) (nets d’impôts !) que notre cul ne manquera pas de nous rapporter ?
[5] Trouver un fourgue, passer commande de produits de deuxième nécessité (à faire tomber du camion, de l’avion, du train, de l'autobus ou du bateau) (du vélo ou de la trottinette) (un GSM, un baladeur CD, un caméscope, un four à micro-ondes, des sets à fondue, des jouets en peluche, des lampes halogènes) (2 cendriers du Parlement européen, une écharpe rouge) (celle de Me Lauwers n'est pas mal du tout) (des meubles de jardin, un VTT, des jeux de société, un portefeuille P. Cardin) ou de troisième nécessité (truffes en chocolat, faisans d’eau, tapis d’Orient, pâté de porc roulé dans des feuilles de bananier).
[6] J’aime particulièrement Le Monde pour ses faits divers (ses dépêches!) et ses informations sportives ?
[7] (Oui ! mais la compagnie a tout de même retenu 1.500 francs par billet !) (belges).
