« Le cul de ma femme mariée », roman, Quorum, 1998...
El culo de mi mujer casada - De kont van mijn getrouwde vrouw - Evunda ya mwasi na ngai ya libala
Extraits
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Je ne supporte plus les brouets et les bouillis. Le blanc de poulet, le potage aux légumes, les pommes de terre à l’eau. Le fromage (maigre) et le yoghourt (maigre). Je suis en panne de lotoko, d’Ambassades spéciales (en vente sur le boulevard du 30 Juin, à la hauteur de la Croix-Rouge) (ou sur le Kasavubu, près du rail, près de la mosquée d’Usoke). Je suis en manque de café amélioré (le café des sentinelles de la Caisse d’Epargne ou du Play-Boy) (et d'Inzia ?). Je suis en manque de cabri grillé et de kamundele[1], de la cuisine haletante du Bedit Bedo, chez Matsi (sur Popokabaka).
Et si je te draguais au Palmarès, chez Petit-Jean ou chez Kintoni Mayard, à la Perruche ou au Jambo-Jambo, au Speak-Easy ? Si je te proposais de manger du crocodile, du serpent vert ou de la patte d’éléphant ? Si nous passions notre première nuit de noces au Kilt, à Kingabwa (trop discret!) ou à la Crèche, à Matonge (trop bruyant !) ?
Et si vraiment la fête continuait ? Si tu m’entraînais au concert (dans tous les quartiers, toutes époques confondues, sans ordre de préférence et quel que soit l’orchestre), à boire et à danser ? au Vis-à-vis ou à la Carte Blanche ? chez Ma-Elikia, chez Vévé, chez Tshibangu ou chez Maître Taureau ? à l’Alex-Bar, à 1-2-3 ou chez Mama Kulutu ? au Succès ou chez Kimpwanza ? à la Source, au Faubourg ou à la Rigole ? à la Fontaine ou au Bobongo ? au Club 16 ?
Si on s’achetait des aspirines et des noix de cola (au Djakarta, à l’entrée de tous les bars ou dans n’importe quel ligablo) ? Si tu m’invitais à nous péter la gueule jusqu’à 5 ou 7 heures du matin à la Samba (Isaac Musekiwa rêvant au saxophone !), au Kadioka (en compagnie des derniers flics, des dernières putes et des taxis de nuit), chez Mayaza II (sur Oshwe) (près de chez Lutele), à la Tempeta de Oro (à la table de Champro-Mitterrand-de-Monaco) (avec Emoro, Djo-Maly Bolenge et Qui Saura), au Self Control (avec Maître Fanon) (Edingwe, Ilunga Police-Belge ou Maître Lopez) et chez Tonton Mbaki ?
Je suis en manque de toi!
Sacristain bénévole à la cathédrale, surveillant d’école, indicateur de la police économique du Liechtenstein, j’ai envie de te parler de tes seins, de leur timidité, de leur fragilité. J’aime l’odeur de tes seins (les anges n’ont pas d’odeurs ?). J’aime qu’ils frissonnent, hésitent. J’aime qu’ils se couchent sur ta poitrine quand ils sont au repos. J’aime aussi qu’ils se redressent et me narguent. J’aime qu’ils me fixent droit dans les yeux, sans faiblir, effrontément. J’aime qu’ils se ressemblent et qu’ils soient différents.
Je voudrais te sniffer les tétons !
(Henri IV te baisait 1.000 fois les tétons) (enduits d’alcools, de parfums et de miels) (et les appelait ses petits garçons, il y a longtemps déjà). Je te butine la lèvre et le nombril. Les aisselles et le ventre. Les commissures et les interstices.
Ton cul me manque. Ton cul de pêche, ta cuisse, ta nuque, ton front, ton cou, ta main. Tes dents de prédatrice. Ton là me manque.
J’aime ton là. J’aime mordre ton là. J’aime y poser la main et l’y laisser. Longtemps. Comme absente, comme une ombre (qui chercherait à se faire oublier), comme un silence. J’aime que ma main s’endorme sur ton là.
Et puis, soyons définitivement ringard (des flammes hurlent aux fenêtres, la voiture reste bloquée au milieu du passage à niveau, la télévision implose, des trombes d’eau glacée s’engouffrent dans la cave, transmutation de Hulk, le roi de coeur est décapité par le valet de pique, une éclipse de soleil passe totalement inaperçue):
- Je t’aime !
J’ai retrouvé un vieux cure-dent dans la chambre, par terre, de ton côté du lit. Gris et poussiéreux. Je m’en sers tous les soirs ! Je pense à toi en me touillant les caries (aux anchois) avec délectation.
Et Sinatu depuis ? On ne la voit plus déjà (depuis deux mois !) (ou presque), qu’est-ce qu’elle devient parfois (depuis que son téléphone est tombé en panne de facture) (ou depuis qu’elle a déménagé) ? (Elle habiterait rue de Liedekerke, près du Makutano). Elle a voyagé ? Et ce plat d'affaires intérieures de chèvres (roulées et préparées selon le rite kinois) (ou mongonais ?) qu’elle me doit depuis si longtemps? Et Olangiyo ?
[1] Les meilleurs cabris sont grillés avenue de la Victoire, à Matonge, près de chez Ekala (et ailleurs). Une jeune maman du Camp Cito prépare d’excellents kamundele, devant une boîte de nuit (dont j’ai oublié le nom) (fréquentée par des militaires et des agents de la Sûreté), à partir de 2 heures du matin.