« Le cul de ma femme mariée », roman, Quorum, 1998...
El culo de mi mujer casada - De kont van mijn getrouwde vrouw - Evunda ya mwasi na ngai ya libala
Extraits
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Et ça se traîne, lamentablement. Foutu bric-à-brac de merde ! Autant de pages déjà cochonnées et je ne vois toujours rien venir! Ni grand méchant loup et ni petit Poucet. Ce n’est pas avec du petit bois pareil que je mettrai le feu au cul de ma femme (mariée) (depuis 15 ans) (et plus).
- Tu pourrais faire un effort quand même ! (dis-je à mon personnage).
Un décor est planté mais personne ne l’habite ? Un appartement-témoin, sans fantômes ni souris, sans lézardes ni mérule ? Rien !
Préliminaires, bisous dans le cou, travaux d’approche, lubrifiant intime, vaseline, stimulation du rectum et des muscles du périnée, masturbation, titillation des mamelles, succion des lèvres, neuvaines, pèlerinage à Lourdes, adoration du Pape en or[1], occupation d’usines et prise de l’Atomium, gestes obscènes adressés aux forces de police[2]. Rien ne bouge. Rien ne se passe. Ça ne décolle pas. Ça ne macère pas, ça s’agglomère (ça s’emboue, ça s’embourbe). Ça ne rebondit pas. Ça ne déjante pas. Ça ne réagit à rien. Pas de bulles. Pas de rebond. Pas de fermentation. Pas d’alcool. Pas de peps. Rien ne bande. Rien ne bouge. Désespérant !
Et pourtant j’ai essayé toutes les pistes, non ? j’ai pissé sur toutes les portes. Je me suis invité aux tables d’hôte, aux fêtes d’anniversaire, aux enterrements, aux matanga (j’ai monté la garde au chevet de toutes mes charognes) (j’ai même veillé des cadavres que je ne connaissais pas, dont je n’avais jamais entendu parler). J’ai infiltré des collèges de Jésuites, des boîtes à partouzes, des projets de coopération au développement, des commissariats de police. J’ai donné ma carte, écrit, faxé, téléphoné, ouvert un site sur Internet...
Unions bestiales entre croyants et mécréants, que dois-je faire et comment dois-je m’y prendre ? ça avance mais ne démarre pas. Rien ne donne rien.
Que j’aie quelque chose à dire (d’important !), un message politique à faire passer, une déclaration d'amour à formuler, une information de première main à diffuser (dans le monde entier !) sur la coordination des activités de recherche halieutique en Méditerranée orientale ? qu’il m’arrive des histoires[3], dont je ferais le récit ? que je me remette à lire tous les livres ? que je suive des cours sur l’art d’écrire (comme on s’inscrit aux cours de danse Elbo), que j’apprenne à narrer des histoires (à tailler un arbre, à manier une faux, à planter une haie)? que je demande conseil à un lecteur (comme il y a des testeurs, des goûteurs) ? que je fasse appel à Claude Haïm ? Ou à JPJ ? (qui refusera de devenir un de mes personnages) (comme s’il avait le choix).
- Quand c’est moi qui raconte, on se méfie peut-être ?
Un roman, ça doit venir de très loin. Et monter. Comme un orgasme. Lentement. Sans faillir ! Ne pas lâcher la bride. Ne jamais débander.
- Et que ça tienne jusqu’à la fin de la cérémonie !
(Et aussitôt après, je cesserai d’écrire) (nulle part ailleurs sur quoi que ce soit) (un jour ou l’autre !) (je m’y engage) (mais on n’est pas tellement obligé de me croire) (évidemment) (sur parole).
Je voudrais t’écrire et que soudain le lait déborde, qu’un ouragan détruise tout sur son passage, qu’un boxeur soit sonné, que le ciel s’obscurcisse, que les dieux se retournent dans leur sommeil, que fondent les glaces, que des îles soient englouties et que tremblent les montagnes ! Le souffle du dragon, les vagues déferlantes, les toitures emportées par la tempête, les plates-formes pétrolières dérivant avec 67 personnes à bord, 14 croix arrachées et replantées à l’envers (en ordre dispersé), 14 verges !
Mais si rien ne se passait jamais ? si rien ne devait plus jamais se passer ? On n’écrit pas 2 fois dans sa vie une belle histoire d’amour à sa seule femme mariée (du moment) (depuis 15 ans) (et plus)[4]. (Combien de coïncidences gagnées pour un seul train raté ? à quel taux de conversion ?) On a droit à une seule chance ? Il s’agit de ne pas la manquer ?
Les yeux gonflés de sommeil, les dieux sont tristes, inquiets, apeurés (baisés par d'autres dieux qui les gardent prisonniers). Il serait temps que j’aille réveiller mes personnages. André Faucheur, qui se planque dans son bureau, qu’il me donne des nouvelles de sa belle-mère. Le bourgmestre de la commune verte et riante de Rixensart, la Belgique des pédophiles psychopathes pervers (de Manneken Pis, de Jeanneke Pis), le Zaïre de Mobutu. Et l’ouragan Hortense ?
Le glacier Sandruma à 14h59 au pied du Résidence Palace ? (que je relève ta jupe, que je mette la main dans ta petite culotte, que je te pelote les fesses, que je caresse ta poitrine dénudée).
(Que je te fasse l’amour dans toutes les positions possibles ?).
(Que je ne veuille plus me faire aimer ailleurs ?).
[1] Et dégustation des sous-vêtements coquins et coloniaux de la petite Marie en chocolat blanc. Une rousse venue d'Aix-en-Provence !
[2] Les taupes s’infiltrent partout, grimpent le long des jambes, se cachent dans les petites culottes, dressent des embuscades. Les cancrelats recourent à des identités fictives (blattes, mpese, cafards), font appel à des indicateurs rémunérés (les serpents verts, les rats jaunes, les scorpions blêmes), dissimulent des caméras et des micros derrière les yeux des gens, dans leurs narines, sous leurs oreillers d'amiante ...
[3] J’aimerais bien qu’il m’arrive des histoires, comme à André Faucheur (qui me hait bien) ? On n’a rien à écrire quand on n’a rien vécu (quelqu’un, quelque part, un jour ou l’autre) ? Ou devrais-je planquer des micros furtifs dans les confessionnaux, les cabines téléphoniques et les alcôves ? des mygales de vidéo-surveillance dans les bureaux et les latrines, au dessus des chaînes de fabrication ?
Mes seules histoires sont des histoires d’amour ? Moi, j’aime un chat sauvage (ex-mère adoptive de nombreux chats dérangeurs) (avant Djuna et Lianja) (qu'ils n'entrent en scène) (qu'on ne les fabrique dans un laboratoire de Nassogne?) (pour perpétuer l'espèce?) (Mama ya ba niaw!). Ça peut s’écrire, un chat sauvage (avec des coups de patte, des coups de gueule, des morsures) (des chemises déchirées) (très peu de câlins), un oeuf dur et des chaussures délacées? On peut faire un roman avec seulement tout ça?
[4] Et combien de fois par vie peut-on se suicider dans les meilleures conditions possibles ? (dans un jacuzzi, électrocuté par sa guitare, sur une musique de Nique Ta Mère ou de Puta Madre, avec de la mousse rose aux lèvres, une éjaculation béate entre les doigts ?).
Aucune empreinte ne sera relevée sur la baignoire ayant servi à mettre fin à mes jours. Ni sur la lettre d’adieu retrouvée à côté du corps (écrite au tipp-ex) (a German Product !) (ou au crayon de maquillage). Ma carte de crédit aura disparu. Et mon compte bancaire continuera à être débité 3 semaines après ma mort.
On enquêtera sur l’origine de mon infortune. On analysera minutieusement mon emploi du temps. On fouillera mon passé, on reniflera le fond de mes poches et de mes slips (sans découvrir le moindre indice).