lundi 19 avril 2010

Le cul de ma femme mariée - Chapitre 13

Didier de Lannoy
« Le cul de ma femme mariée », roman, Quorum, 1998...
El culo de mi mujer casada - De kont van mijn getrouwde vrouw - Evunda ya mwasi na ngai ya libala
Extraits

13


France. Nouvelle enquête sur la disparition de Philippe de Dieuleveult disparu au Zaïre de Mobutu, il y a plus de 10 ans. Selon le frère de l’ancien animateur de télévision, Philippe de Dieuleveult faisait partie des services secrets français. Et sa mort résulterait d’une “bavure” des services de sécurité zaïrois ?

(Quand le serpent taquine le crocodile...).

Vigile de concert de rock, bookmaker indépendant, je lui dis ce matin, avant de partir au bureau:

- On fait l’amour ce soir ?

(Je voudrais être à l’intérieur de toi, au plus profond de toi) (je voudrais me glisser, me perdre et disparaître en toi) (m’abandonner, me défaire, m’anéantir) (et puis ressusciter) (je voudrais devenir toi).

- ...

- Comme ça tu auras tout le temps de te préparer, non ? de mentaliser.

- ...

- D’accord, d’accord !

Tout ce qui, hier, était bon pour ma santé, on me l’interdit aujourd’hui. Formellement ! et pour des raisons médicales (le jus de citron pressé, l’orange amère au gros sel de cuisine, la mangue au pili-pili, la salade d’avocats à la boîte de sardines) (togolo-portugaises) (fraîchement sorties de la chaîne de montage) (les fruits de la passion, les tomates vertes de San Valencia, les racines de pissenlits et la p’tite femme chérie) ! Et tu voudrais que je leur fasse confiance, à ces charlatans-là !

Le Pape sera opéré de l’appendicite le 6 octobre. Le chirurgien Francesco Crucitti a exclu de façon catégorique que le Pape souffre d’autres pathologies:

- Mis à part des problèmes de nature neurologique qui sont à l’origine du tremblement de sa main gauche[1].

On est toujours sans nouvelles de l’ouragan Hortense. Sans doute a-t-il dû se perdre ailleurs. Incidemment. Entre New York et quelque part, les Bahamas.

Et le glacier Sandruma, à 14h 48, au pied du Résidence Palace ? (je relève ta jupe, je mets la main dans ta petite culotte, je te pelote les fesses, je caresse ta poitrine dénudée ?) (je te fais l’amour dans toutes les positions possibles ?).

- Un instant !

J’entends un clic bizarre. Yeux verts et paupières violettes. Lueur orange. Suis-je donc sous contrôle ? Dois-je m’abstenir résolument d’utiliser mon ordinateur à des fins ludiques ?

Quand je t’écris, je ne suis en concurrence avec personne. C’est en dehors du marché. Je ne suis pas obligé d’avoir lu tous les livres. Ni de consulter la doctrine et la jurisprudence. J’aime assez ça.

J’aime t’écrire en cachette, dans l’angoisse, dans la précarité (dans le péché aussi !). On met des mots bout à bout. On les assemble. On les enfile, dans une cave obscure. On fabrique une bombe artisanale. On fait démarrer le moteur d’une voiture, ouverte avec un braquemart, dont on serait soudainement devenu propriétaire.

- Et quelque part, ça doit faire tilt ! (ça pète ! ça jouit !!!).

Je t’écris à tâtons. En cachette de toi (je tends l’oreille, je surveille les bruits, les mouvements, les jeux de lumière, les froncements de tes sourcils, les râles de ta respiration). Je t’écris dans la clandestinité. Quelquefois tu manques me surprendre, je te fais un grand sourire et tu me dis:

- Tu as un air coupable !

Je t’écris des châteaux de bac à sable-crottoir. Avec tout ce qui me tombe sous la main. Je prends des risques aussi. Je t’écris au jour le jour. Rien n’est dit. Rien n’est fait. Et ça m’angoisse. Et ça me fait bander. Je prends des risques pour nous 2.

- Et si l’on ne s’en sortait pas indemnes ?

Ma femme mariée m’a ramené des lunettes, achetées chez Delhaize. Des demi-lunes. 2,5 et 3,5 de dioptrie. 398 francs (belges) pour les 2 paires:

- Tu les essayes ?[2]

Quand je serai très énervé, je pourrai toujours les jeter par terre, les piétiner de rage et (à la fin du concert) les écraser sur la tête de mes opposants crapauds et de mes fidèles félons (je ne devrai plus casser la gueule aux murs et aux portes de toute la maison) (et me faire plâtrer la main à l’hôpital d’Ixelles-Elsene, en urgence)!



[1] Qui s’occupera de l’achat du vin et des hosties ? Qui gérera le patrimoine immobilier ? et les actions minières ? Qui fixera le prix des messes (en Flandre, on peut compter 15.000 francs pour une bonne messe, à 10 ou à 11 heures) (belges) (en Wallonie et à Bruxelles-Brussel, ça coûterait un peu moins cher) ? Qui recevra les legs ? Qui vidangera les parcmètres, les troncs, les distributeurs automatiques d’intentions pieuses, les juke-boxes de grâces sanctifiantes ? Qui prendra les poussières ? Qui jetera de la sciure de bois sur les déjections des crucifiés et les vomissures des cuités ? Qui passera l’aspirateur en dessous de la table de la salle à manger et le long des bancs de communion ? Qui rangera les chaises lorsque les invités seront partis ? Qui enlèvera les chewing-gums d’hosties consacrées collés sous les pupitres de la chorale ? Qui rapportera au viticulteur les bouteilles de vin de messe consignées (ou chez Delhaize, contre remboursement)? Qui videra les poubelles des confessionnaux (les seringues et les capotes) ? Qui récurera les bénitiers (qui versera de l’eau de Javel dans les crachoirs et les pots de chambre) ? Qui nettoyera les cendriers quand la fête sera finie ? Qui va décider de la transformation des églises en salle de concert, en salle de bal, en drugstore, en auberge de jeunesse ou en centre de fitness ? en centres de repos pour bestiaux destinés à l’abattoir (éclairés et suffisamment spacieux, dotés de revêtements de sol minimisant les risques de glissade) ? en centres d’accueil pour curés défroqués (et révérendes mères célibataires) (ou sacristains sans diplôme, virés pour avoir dit des messes au noir) et n’ayant pas droit au minimex et aux soins de santé ? Qui prendra l’initiative de reconvertir les confessionnaux en douches publiques, en urinoirs du peuple (ou en peep-shows pour pédophiles psychopathes pervers) ? Qui remuera les morts et promènera les abats de Saint Monon dans les rues de Nassogne ? La panique, je vous dis!

[2] (Elle veut toujours me faire essayer quelque chose, des chemises, des slips, des lunettes) (surtout des slips et des chaussettes) (et me faire goûter des trucs) (de la gelée de thé !) (des tomates séchées) (d’Italie !) (une salade de boeuf thaïlandaise, des vers de palmier du Bandundu, une compote de chou rouge soviétique) (des zapatillas) (une chemise en jeans, achetée à San Valencia) (moins cher !) (du fromage de soja) (du pâté de porc roulé dans des feuilles de bananier) (des biscuits énergétiques de MSF) (en m’obligeant à lui faire confiance et à fermer les yeux).