lundi 19 avril 2010

Le cul de ma femme mariée - Chapitre 34

Didier de Lannoy
« Le cul de ma femme mariée », roman, Quorum, 1998...
El culo de mi mujer casada - De kont van mijn getrouwde vrouw - Evunda ya mwasi na ngai ya libala
Extraits

34


J’ai envie d’être réveillé par une odeur de lard dans l’escalier. Sinon, je dors.

Congo-Zaïre. Dans la nuit de samedi à dimanche, une centaine d’assaillants ont donné l’assaut à l'hôpital de Lemera, dans l’Est du pays. La fusillade a duré 8 heures. Une quarantaine de personnes ont été tuées (un lieutenant-colonel de l’armée de Mobutu et 2 abbés ainsi que des malades, du personnel soignant et des soldats).

Georges Heylens entraînera l’équipe nationale du Congo-Zaïre (les Léopards !) pendant 5 ans. Il vient de signer un contrat avec la Fédération zaïroise de football. A Lingwala, les moustiques commencent à piquer dès 9 heures du matin. En Suisse, on parle d’octroyer une nouvelle prolongation de séjour à Monsieur Mobutu. Jusqu’à la fin du mois de novembre. Nadine m’annonce qu’elle compte passer les vacances de Noël à Kinshasa, croquer des arachides en famille (avenue Bolobo, ex-Monseigneur Six, à Yolo-Nord ), déguster un mpiodi grillé dans un nganda de Bandalungwa (avec un filet de vinaigre chaud), marier sa copine Viviane (au Palais du Peuple ou à l’hôtel Intercontinental) (au Vis-à-Vis ?). Elle me demande ce que j’en pense.

- ...

- Et si j’amenais les petits ?

- Quoi ça ?

Tu viens à peine de partir et déjà tu me manques (déjà, trop vite ?). J’ai le bâton ! Et je te fais l’amour dans toutes les positions possibles:

- On se fait ça ? on se saute ?

Les mains moites, la respiration courte et rapide, je te culbute au ministère (sur le scanner ou la photocopieuse), dans le bac à linge, la baignoire ou la machine à laver, derrière le comptoir de la Mandibule, dans un sac de couchage bourré d’amiante (une cabine téléphonique ou un hamac), dans un conteneur des entreprises Demets à Neder-over-Heembeek, sous une moustiquaire tissée par une araignée encore fille, sous les flashes des paparazzi et devant les caméras de la télévision, cachés en dessous de la table à dire des messes en latin, à l’intérieur d’une armoire rongée par les termites, sous une estrade dressée devant le Palais royal, dans les écuries d’une caserne de la gendarmerie montée, sur un sac de riz parfumé (rue Goffart, 79, à 3 maisons d’Aldi) (chez Ly-Chi-Minh, import-export) ?

- Lâche-moi !

Sous la douche et dans la piscine, dans le monte-charge de Delhaize, dans un confessionnal de l’église Saint-Boniface ou les toilettes d’un boeing de la TWA, sur un tas de sciure de bois, de confettis ou d’hosties périmées, sur le capot tiède d’une Renault 19 au quatrième sous-sol du Résidence Palace, sur le tapis roulant de la caisse n°7, sur une planche de surf, sur une croix de Saint-André, entre les rails du TGV, adossés à un réverbère ou à la porte du garage du presbytère de Kinkempois, de Waha ou de Couture-Saint-Germain, devant un miroir déformant (à la foire du Midi) ?

- Lâche-moi !

En bordure d’un collecteur d’égouts de l’ancienne Union Soviétique, sur le pont d’une embarcation de contrebande (entre Iquitos et Tabatinga), dans une émission culinaire de Matsi Kalubi, à l’arrière du bus 54, dans une loge d’artiste ou une sacristie, sur les bancs de bois du commissariat de police d’Ixelles-Elsene, dans une cave à champignons (étendue sur le sol, le corps orienté vers la basilique Saint-Pierre au Vatican, la tête baignant dans une mare de vin, pieds et poings liés avec du papier tue-mouches, nue) ?

- Bon, d’accord, viens !

Eruption de lave épaisse, basalte en fusion, je cherche à tâtons ton orifice génital, j’y vide mon sac à sperme, te voilà fécondée, je n’ai plus qu’à me retirer doucement et à m’en aller au plus vite avant que tu ne retrouves tes instincts de prédatrice ?

- Mais si tu crois qu’il te suffit de vider tes burettes pour que la messe soit dite ?

J’aime tes odeurs, tes ranceurs du matin, tes sueurs du soir. J’aime tes aisselles, ton entrejambe. J’aime me promener les lèvres le long de tes cuisses, en dessous de tes bras.

- Tu changes de douceur comme de slip !

(Cela doit sûrement vouloir dire quelque chose) (de gentil ?) (mais qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ?).

N’importe quoi ! J’aime te mordre les fesses. Tu me manques et je fantasme ? Je ne veux pas me faire aimer ailleurs.

Tes seins sont un panier d’oeufs. Tantôt mollets, tantôt durs. Tantôt brouillés et tantôt sur le plat. Toujours frais.

Et tes cheveux, je ne t’ai pas encore parlé de tes cheveux ? (ton vêtement le plus intime ?) Et tes épaules, tes orteils, ton tour de hanches, tes narines, tes torsions lombaires:

- Ma femme mariée, c’est tout du cochon. Un rien se mange.

Vive la faisance !

On se fait ça et on se le fait bien ?[1]

C'est auch et ça craint !

D’ailleurs, je ne te fais pas l’amour. Je te dis mon amour dans toutes les positions possibles.

(Et celle que tu préfères, c’est la position du bébé que je lange, non? de la poupée de ton enfance dont je changerais les couches ?) (avec une infinie tendresse ?).

D’ailleurs faire l’amour c’est bon pour mon ulcère, non ? Et ma scoliose aussi, et le transit du bol alimentaire ? C’est bon pour ton teint de mangue, et pour ton cul de pêche ? C’est bon pour ton régime, non ? C’est excellent de faire l’amour. C’est bien. C’est chouette. C’est gai de se faire l’amour ! C’est joyeux! C’est heureux !

Tous les jours !

Et plusieurs fois par jour ? toutes les 30 minutes, pendant 15 secondes ?

Oui, mais après l’amour, c’est quoi ?

Une limace gluante qui me pendouille entre les jambes ? Une odeur de poisson mort ? Du sperme tiède et poisseux qui te coule le long des cuisses ? Et des mouches, beaucoup de petites mouches, qui rôdent?

- Evidemment, tu m’as encore bâclée ![2]

Après l’amour, c’est ça ?

Tu es mon être humain. Tu es à moi. Je t’appartiens.

(Ta petite culotte, le sillon de tes fesses, tes cuisses qui m’engouffrent, ton nombril qui m’aspire, tes dents qui me salivent, tes seins qui m’engloutissent... ).

On m’interrompt brutalement. On me traite d’obsédé, de prédateur sexuel:

- Je ne suis pas ta bête à sexe!

- Chuut !

Laveur de cadavres, trafiquant d’espèces en voie de disparition, consommateur de produits exotiques, je suis ton obsédé sexuel et je le revendique[3]. J’aime me blottir et ronronner sur ta poitrine, entre tes jambes. Faire le plein de tes odeurs. Je suis l’obsédé sexuel de ton sourire, de tes yeux, de ton nez, de tes petites dents de vampire (de ton ouvre-boîte canaille !). Je suis l’obsédé sexuel de ta façon de danser (je ne suis pas l’obsédé sexuel de ta façon de cuire le riz) (plusieurs personnes cuisent le riz beaucoup mieux que toi) (surtout Antoinette) le soukous, le mbiri-mbiri, le mutuashi, le sundama et le ndombolo. Ton sexe m’obsède.

Je voudrais boire toute la mer (ai-je lu quelque part).

Un bus a été mitraillé à quelques kilomètres au nord du camp de Kibumba, près de Goma. Il y a eu 7 morts et une vingtaine de blessés.

- L’histoire médicale de François Mitterrand aide le président Mobutu et lui redonne confiance (indique-t-on dans l’entourage médical du chef de l’Etat zaïrois).

Tu préférerais que je te trompe avec la belle inconnue de la caisse n°7 (qui se pèse 5 fois par jour parce qu’elle a peur de devenir un boudin)? Avec une femme de magazine, une femme de télévision, une femme d’Internet, une femme d’affiche, une femme de clip, une femme de mode, de basket ou de patinage artistique ?[4]

(Je loue un top-model pour la soirée) (la série 8 !) (anorexique ! folle de son corps !) (le dos nu, le sein sorti, la fesse à découvert) (une viande emballée sous vide, chez Delhaize[5]) (elle portera un nom d’alcool fort ou de parfum prenant)[6] (je l’appelerai Gazo !) (Je lui ferai l’amour debout pour éviter de devenir père ?) (ou dans un sac-poubelle) (: j'enfile une capote comme je mets des gands, pour ne pas laisser d'empreintes ?) (ou bien je la sodomiserai dans un hôtel pour couples sans bagages, quai de la Fosse, avant l’incendie).

(Ou bien je me ferai tirer une pipe par une vendeuse de caricoles, chauve et édentée, hors saison, dans un camping-car installé à la sortie des chantiers, des écoles et des confessionnaux) (dans une baraque à frites).

Sunny Boy aime Betty Boop !

Je m’en mettrai plein les couilles !

Eric est allé chez l’opticien, rue Malibran (Eric-Coeur-de-Lion) (Eric-et-Alice !). Il me ramène mes anciennes lunettes. 800 balles de réparation, oh ! (belges) (il a fallu placer une nouvelle branche, il a fallu souder, etc). 4 x le prix d’une paire achetée chez Delhaize. C’est ma femme partie qui va être contente ! quand elle sera rentrée. Qu’est-ce que je vais prendre ! Olé !

Encore un demi-témesta. En souvenir de toi. Pour entrer dans tes rêves. M’y promener partout. Et mieux les surveiller.

Et 3 fèves de fuca.

Je m’endors avant le film porno (brouillé) (sur Canal +).



[1] Dans toutes les positions possibles: la position du pot de chambre au pied du lit à baldaquin, la position du coureur cycliste grimpant le Tourmalet sous la canicule, la position du pendu à une écharpe rouge accrochée à la balançoire du jardin (les mains liées derrière le dos), la position du clair de lune à Maubeuge, la position du penalty tiré contre son camp, la position du bain de sang sous les Tropiques (avec la coopération de l’armée française) (ou belge) (CNN et les ONG humanitaires tenant la chandelle), la position de l’explosion en plein vol du Boeing de la TWA au large de New York.

La position de la moissonneuse-batteuse égarée dans un champ de pommes de terre, la position du plongeur sous-marin qui prend l’eau, la position du sourd-muet inculpé d’insultes à agents, la position du chasseur de mouches à merde dans les bureaux du Résidence Palace, la position du banc de communion à la grand-messe de 11 heures (à 15.000 francs la représentation) (belges), la position de la girafe s’abreuvant dans un marigot.

La position du tireur embusqué sous une pluie d’acide lysergique diéthylamide, la position du manchot qui se ronge les orteils avec détermination, la position de la couronne d’Angleterre menacée par les scandales, la position de la cathédrale Sainte-Gudule restaurée par la Régie des Bâtiments, la position du chien renifleur de charogne calcinée, la position de la violente crise de paludisme, la position du poulet rôti, la pole-position.

[2] Les exercices d’assouplissement physique que vous impose la vigoureuse santé de votre femme mariée (depuis 15 ans déjà) (et plus) commenceraient-ils à vous peser ? un jour ou l’autre ?

[3] Le lynx est-il un prédateur du chat sauvage ? ou le renard ? Jouent-ils ensemble, du même instrument, sur les mêmes stades ?

[4] Une main sur la hanche, l’oeil allongé jusqu’à la tempe (rouge de bangui) (fardé de khôl), le sourcil surligné, le maquillage blafard, la lèvre violette légèrement proéminente, le tatouage sur l’épaule droite, l’ongle peint en noir, le nombril à l’air, le crâne rasé, la perruque tressée, le sous-vêtement coquin, la boucle d’oreille de Gitane, le piercing sur la langue et le téton, le ceinturon à clou, le pubis à zéro, le bijou intime, le bracelet en or autour de la cheville, la moue suggestive, le sourire boudeur, la grâce vénéneuse, la maîtrise du bassin, la chute de reins déconcertante, la poitrine frémissante (piquée de clous de girofle), l’étincelle de défi dans le regard, waow ?

[5] Beach-girls et mannequins graciles, les lèvres pulpeuses, ourlées, charnelles, gourmandes ! gonflées à la silicone ou par une injection de graisse. Wonderbra et pousse-derrière ! les mamelles et la croupe rembourrées à l’amiante et à la paille de verre. Plastifiées ! Olé !

[6] (Elle s’appelera Iracema, Hazuki, Nazmiyé, Mirjana, Fatameh, Alidé, Majida, Yelis, Katja, Chan, Junaidi, Jasuka, Pervenche, Elodie, Yoko, Naïna, Djamila, Tequila, Caitlin, Zeinab, Phyllida, Katrina) (1m75, 90-52-88) (Trixie, Mariam, Cosima, Urska, Keiko, Kazuko, Yoshiko, Natsumi, Asaya, Rizlène, Saskia, Sonja, Marjan, Kaatje) (Fili Houteman et Paula Corbin Jones) (Véréna, Mouna, Dinorah, Gwyneth, Ségolène, Ute, Nina, Heidi, Khadija, Kalyani, Jin, Jantu, Dara, Esti, Rigoberta, Chrystele, Melissa, Morena, Maria del Carmen) (1m80, 92-60-92) (Avital, Irina, Ines, Ling, Kwam, Kiku, Chandra, Deirdre, Marina, Lusina, Pernilla, Sheryl, Saïda, Yuriko, Neguine, Amber, Tiggy, Fleur-de-Safran, Zorah, Shiraz) (Ngalula, Misenga, Rujeni, Etiko, Sudila, Mweta, Munya, Leto, Feza, Seya, Moseka, Lipassa) (Chérie Amba, Ambroisine, Albertine, Pétronille) (Marie-Pauline, Marie-Angèle, Marie-Jeanne) (celle qui a essayé de me faire un enfant anglais derrière le dos !) (Marie-Charlotte, Marie de Barumbu, Marie-Sophie, Marie-Pascale, Marie-Hélène, Marie moke) (petite Marie) (une rousse venue d'Aix-en-Provence !) (Angélique, Philda, Emerence, Blanche-Neige) (Chou-Chou, Dédé, Fifi, Mimi, Popo) (Ya Nicole, Ya Rose) (Maman Ana, Maman Monique) (Vicky, Mété, Mégé, Véro, Mado, Anto, Afo, Luta, Souaze, Dette ou Bibiche)

- Mais tu ne t’es pas regardé, mon p’tit bonhomme ! Et d’ailleurs, ce n’est pas ta pointure, ces nzele-là ! Elles sont beaucoup trop grandes pour toi ! beaucoup trop belles pour toi ! beaucoup trop jeunes pour toi ! beaucoup trop chères pour toi ! Atterris ! (se gausse-t-on cruellement ?).